Les avantages de l’architecture opérationnelle

Une architecture opérationnelle décrit les activités d’une entreprise, pourquoi et comment elle les fait ainsi que les outils qu’elle utilise. Markus Schacher explique en quoi cette architecture est particulièrement bénéfique à l’entreprise.

Auteur Markus Schacher
Date 28.12.2021
Temps de lecture 19 Minutes

Cet article fait partie d’une série sur le thème de l’architecture informatique d’entreprise :

Un aspect central d’une architecture d’entreprise est l’inventorisation des ressources fondamentales. Dans cet article, je voudrais aborder la description des opérations d’une entreprise et démontrer les avantages d’une architecture opérationnelle digitale.

Les modèles d’architecture opérationnelle peuvent être utilisés pour répondre à de nombreuses questions.

Comme celles qui favorisent la transparence d’une entreprise et soutiennent ainsi le processus décisionnel :

  • Où voulons-nous aller et pourquoi ?
  • Comment y parvenons-nous ?
  • Qui fait quoi dans l’entreprise et avec quoi ?
  • Que se passerait-il, si le service XY était fermé ?
  • Quelles alternatives avons-nous à proposer à la place de notre produit XY ?

Ou celles qui fixent des directives pour le personnel et les partenaires :

  • Qui est responsable d’un produit spécifique ou d’une tâche spécifique ?
  • Quel produit proposons-nous sur quel marché et par quel canal ?
  • Comment approcher quels clients et comment concevoir des offres correspondantes ?
  • Quelles versions d’offres et options de produit sont autorisées ?
  • Quelles obligations devons-nous assumer et envers qui ?
  • Comment est recherché quel personnel et quelle culture de gestion avons-nous ?

Métamodèle pour le contexte opérationnel

L’essence même de toute affaire économique est l’échange mutuel de valeur entre deux parties afin qu’ils puissent évoluer individuellement. Plus précisément, la description des opérations d’une entreprise consiste à enregistrer qui dans l’entreprise produit quelle valeur, où, pour qui, pourquoi, comment et avec quoi.

De là, on en retire six entités centrales :

  1. Qui/pour qui: parties (personne, organisation)
  2. : lieu (lieu réel, lieu virtuel)
  3. Quoi: valeur (service, produit)
  4. Pourquoi: objectif (but, condition générale)
  5. Comment: principe (stratégie, tactique, règle)
  6. Avec quoi: capacité (une combinaison de ressources comme du matériel, des machines, des personnes, des organisations, des capacités, un savoir-faire, des informations, etc.)

Ces six entités centrales sont illustrées dans le schéma de métamodèle suivant :

Modèle : KnowGravity

En plus des six entités centrales introduites précédemment, ce schéma introduit deux autres entités : la production et l’utilité. Elles représentent des activités qui permettent de créer ou d’utiliser de la valeur et sont, en règle générale, considérées comme processus opérationnel et maillons de la chaîne de production de valeur d’une entreprise.

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Analyse de la chaîne de valeur

L’élément central du métamodèle introduit plus haut est la valeur que produit une entreprise, mais aussi celle dont elle a besoin. En règle générale, la production de valeur est un processus en plusieurs étapes que l’on nomme chaîne de valeur et qui joue, entre autres, un rôle central dans l’analyse opérationnelle telle que le comprend le framework TOGAF (voir références 1 et 2).

Une chaîne de valeur est un processus « top level » et « end to end » dans lequel de la valeur est créée pour un utilisateur en plusieurs étapes. Le bénéficiaire de cette valeur peut aussi bien être externe à l’entreprise (p. ex. la clientèle) qu’interne (p. ex. une autre division de l’entreprise). Normalement, une telle chaîne de valeur nécessite plusieurs exécutants, qui doivent présenter les capacités nécessaires (également appelées « capabilities ») et qui ont besoin d’aides techniques et de ressources.

Un petit exemple :

Prenons ici une entreprise fictive nommée « EU-Rent » qui est active dans la location de véhicules dans toute l’Europe. Sa chaîne de valeur principale peut être schématisée comme suit :

Schéma : KnowGravity

Dans le cas où un détail d’une telle chaîne de valeur serait nécessaire, on peut utiliser des langages de modélisation comme p. ex. BPMN (« Business Process Metamodel and Notation », voir référence 3), mais je ne veux pas m’attarder sur ce point ici.

Pour exécuter avec succès ces étapes, différentes capacités et ressources sont nécessaires :

Publier une offre

Un canal marketing doit exister et permettre d’atteindre des clients potentiels, ce qui demande à son tour un savoir-faire en marketing approprié. Dans notre exemple, le canal marketing est le web, c’est-à-dire qu’un site web frontend adapté à la réservation de voitures d’après un mode de self-service est nécessaire.

Conclure un contrat

Une gestion des contrats est indispensable et demande d’un côté un savoir-faire juridique et de l’autre côté un classement contrôlable des contrats.

Mise à disposition de voitures de location

Sans véhicules aucune location ne peut être effectuée, cela signifie qu’un parc automobile complet et varié est vital afin de pouvoir fournir le véhicule requis au bon moment, au bon endroit et en bon état. Cela comprend également la maintenance des véhicules, qui n’est pas une capacité triviale et a un coût en ressources conséquent.

Encaisser les coûts de location

Finalement, afin de créer une valeur monétaire pour l’entreprise, un savoir-faire adapté en finance et en comptabilité est capital.

Ces liens peuvent également être illustrés. L’image suivante ne montre pas seulement l’affectation des capacités (en noir) et des ressources (en bleu) aux étapes individuelles de la chaîne de valeur, mais également une évaluation (fictive) de la maturité des capacités (les éléments entourés en rouge représentent les points faibles d’EU-Rent). On peut tirer de ces estimations un plan de mesures pour le développement de l’entreprise.

De plus, on constate qu’en ce qui concerne les capacités nécessaires à la gestion de la flotte de véhicules, non seulement des véhicules (ressources) mais également des capacités en maintenance des véhicules sont nécessaires.

Image : KnowGravity

Grâce au rattachement des étapes individuelles de la chaîne de valeur décrites plus haut à des unités opérationnelles de l’entreprise, on peut maintenant déterminer les responsabilités :

  • Pour les étapes « publier une offre » et « gestion des contrats », c’est le service des ventes qui est responsable.
  • La logistique est responsable de l’étape « mise à disposition des véhicules de location ».
  • Le service de comptabilité prend la responsabilité du calcul des coûts de location.

Image : KnowGravity

Ce qui est intéressant, c’est que les flèches allant des capacités aux étapes de la chaîne de valeur primaire représentent également des valeurs. Ces valeurs sont généralement fournies par des postes internes pour d’autres postes internes au sein de la même entreprise, c’est-à-dire qu’elles sont créées par des chaînes de valeur secondaires.

Ainsi, une entreprise peut être schématisée par un réseau de chaînes de valeur qui sont la responsabilité de plusieurs unités de l’entreprise. Grâce à un diagramme de chaîne de valeur, on peut mettre en lumière qui, dans une entreprise, produit quelle valeur, pour qui et quelles valeurs sont nécessaires.

Image : KnowGravity

Grâce à l’analyse de ces corrélations, il est possible d’examiner – et même d’améliorer – le rendement de la production de valeur au sein d’une entreprise. Cette technique est aussi appelée analyse du réseau de valeur ou analyse des flux de valeur (voir référence 4).

Motivations opérationnelles

Une tâche centrale de l’architecture d’entreprise est la poursuite consciente d’une stratégie opérationnelle ainsi que son adaptation permanente aux changements toujours plus rapides de l’environnement d’une entreprise. À ce sujet, je voudrais brièvement présenter une autre approche qui se concentre sur les entités centrales « Objectif » et « Principe » du métamodèle décrit plus haut et en introduit deux de plus : le facteur influent et l’évaluation.

Cette approche est basée sur le langage de modélisation BMM (« Business Motivation Model », voir référence 5) de l’OMG (« Object Management Group ») qui a été développé pour la modélisation de décisions stratégiques. BMM utilise les entités centrales comme suit :

  • L’objectif représente la vision de l’entreprise ainsi que les buts qualitatifs et quantitatifs qui soutiennent ou mènent à la vision formulée.
  • Les facteurs influents représentent des réalités internes et externes qu’une entreprise doit prendre en compte ou utiliser à son avantage. On compte parmi ces facteurs influents des éléments qui influencent le marché comme le changement de besoins clients ou l’arrivée de nouveaux concurrents, mais aussi des exigences réglementaires, des nouvelles technologies, partenariats ou ressources propres.
  • Si on oppose les facteurs influents à l’objectif formulé, on peut en déduire des estimations positives ou négatives, ce qui mène à une analyse SWOT classique (Strength/Weakness/Opportunity/Threat) et aux considérations risques/chances.
  • Le principe dans le métamodèle introduit plus haut est compris par le BMM comme moyens – donc les stratégies, tactiques ou principes – qui permettent à l’entreprise de remplir ses objectifs, malgré ou grâce aux facteurs influents identifiés, et donc à atteindre son but.

Image : KnowGravity

Exemple pratique d’EU-Rent :

La vision d’EU-Rent est de proposer des véhicules de location pour le transport privé dans tous les hubs de transport longue distance d’Europe. De plus, dans les deux prochaines années, elle veut conquérir le top 20% des aéroports d’Europe (en nombre de passagers) pour y proposer ses points de locations de véhicules (objectif quantitatif).

En raison de l’impact menaçant du changement climatique, les voyageurs préfèrent de plus en plus le train et les trains de nuit à l’avion pour les trajets jusqu’à 1’000km. Ce facteur influent externe vient se heurter à l’objectif formulé au départ (conquérir les aéroports) et présente ainsi un danger pour le développement de l’entreprise (évaluation).

C’est pourquoi la direction d’EU-Rent décide de se concentrer à la place sur la conquête de toutes les gares importantes (nouvel objectif). Cet objectif doit être visé en collaboration étroite avec les entreprises d’exploitation des gares ferroviaires (stratégie) et mis en œuvre progressivement en commençant par les gares des villes touristiques ou des métropoles économiques (tactique). De plus, les véhicules proposés, en particulier dans les villes, doivent être essentiellement électriques et rechargeables grâce au raccordement des stations de recharge au réseau électrique du chemin de fer (tactique supplémentaire). En outre, EU-Rent peut s’appuyer sur l’expérience acquise grâce à sa petite flotte de véhicules électriques (facteur influent interne).

Dans le cadre de BMM, il s’agit d’une part de rendre explicites de telles réflexions et de pouvoir donc en discuter. Une fois la stratégie opérationnelle établie sous cette forme, le BMM soutient alors d’autre part les décideurs dans l’adaptation permanente et informée de leur entreprise à de nouvelles circonstances.

Le BMM introduit également deux entités centrales importantes au raisonnement stratégique d’une entreprise, mais tout cela dépasse le cadre de cet article : les ressources et obligations d’une entreprise. Vous trouverez de plus amples informations à ce sujet en consultant la référence 5.

Conclusion

Les réflexions décrites plus haut s’inscrivent dans la case un et deux du Model Driven Enterprise Engineering Framework et peuvent être regroupées sous la discipline « ingénierie opérationnelle » (Business Engineering) :

La conception et la maintenance d’une architecture opérationnelle adéquate permet à une entreprise de prendre des décisions informées afin de s’imposer et de se développer avec succès sur un marché en évolution constante.

Avec l’architecture technologique, qui assure l’organisation des aides technologiques essentielles au bon fonctionnement de l’entreprise, l’architecture opérationnelle est le fondement central de l’architecture d’entreprise.

Qu’y a-t-il donc de numérique à une telle architecture opérationnelle ? On peut donner trois réponses :

A D’une part, les technologies actuelles offrent des possibilités encore jamais vues d’automatisation des tâches le long de chaîne de valeur tout en les rendant plus flexibles.

B D’autre part, ces technologies permettent des modèles opérationnels fondamentalement nouveaux grâce aux transferts de responsabilités fondamentales tout au long de la chaîne de création de valeur :

  • Grâce aux technologies d’automatisation, les tâches répétitives d’une chaîne de valeur peuvent être transférées de l’homme à la machine.
  • Grâce à la simplification massive (mot-clé : Usability), des tâches peuvent être transférées d’une personne à une (autre) personne :
    • Les tâches non critiques peuvent être déléguées en externe à des clients ou des partenaires (outsourcing pour réduire les coûts).
    • Certaines tâches autour des produits centraux proposés (p. ex. exploitation et maintenance des machines et installations achetées) peuvent être transférées des clients et partenaires vers l’interne (insourcing de nouveaux services générant des revenus).

C Finalement, les technologies de l’information actuelles peuvent être également appliquées à la gestion même de l’architecture d’entreprise, ce qui génère une nouvelle génération d’outils de gestion de l’architecture d’entreprise (EAM). Si les modèles d’architecture tels que les modèles de chaîne de valeur ou de motivation se présentent pour la première fois dans une forme structurée et modifiable numériquement, il est alors possible de les mettre en œuvre facilement pour répondre à des réflexions complexes.

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  • Digital Enterprise Architecture («DIGIEA»)

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Cet article fait partie d’une série sur le thème de l’architecture informatique d’entreprise :

Références :

  1. https://publications.opengroup.org/g178
  2. https://www.omg.org/spec/VDML
  3. https://www.omg.org/spec/BPMN
  4. https://ocw.tudelft.nl/wp-content/uploads/Value_network_analysis_and_value.pdf
  5. https://www.omg.org/spec/BMM

A propos de l'auteur

Markus Schacher

Markus Schacher est co-fondateur et KnowBody de KnowGravity Inc., une entreprise de consulting dont le siège se trouve à Zurich (Suisse), spécialisée dans l’ingénierie basée sur les modèles. En tant que formateur depuis 1997, Markus a donné les premiers cours publics UML de Suisse et en tant que consultant, il assiste de nombreux gros projets dans l’introduction de techniques basées sur les modèles et leur utilisation pratique. Depuis 2005, il vient en aide d’entreprises dans le domaine de l’architecture d’entreprise globale ainsi que de l’harmonisation informatique/business. En coopération avec Digicomp et l’HWZ, il forme des architectes en formation CAS « IT Architecture ».