Agile Expert Talk #1 : L'Agilité, un état d'esprit ?

Nous avons discuté de l’agilité avec cinq formateurs Digicomp qui ont fait de l’agilité la partie centrale de leur vie professionnelle depuis de nombreuses années. Certains de ces experts ont même prêté allégeance à Kanban, berceau d’une guerre idéologique. Ça promet une discussion de choc !

Auteur / Autrice Digicomp
Date 03.06.2021
Temps de lecture 12 Minutes

Le manifeste agile a gagné en maturité. Depuis son entrée fracassante en 2001, il a propulsé sur le devant de la scène des frameworks et des méthodes agiles comme Scrum, Kanban ou SAFe dans de nombreuses entreprises.

20 ans après sa création, l’agilité se porte à merveille et s’est d’ailleurs propagée aujourd’hui bien au-delà du développement de logiciels, simplement parce qu’en cette période de transformation digitale, c’est elle qui apporte les meilleures réponses en matière de gestion d’entreprise.

Mais en s’y penchant d’un peu plus près, on constate que si l’agilité, accompagnée de tous ses concepts à la mode, est depuis longtemps sur toutes les lèvres, on passe souvent à côté de son essence même.

Lors de cette interview avec nos experts, nous avons eu l’occasion de plonger sous cette apparence chatoyante et pu poser des questions plus précises : Qu’est-ce que l’agilité ? De quoi ont besoin les entreprises pour franchir le pas vers une organisation agile ? Et pourquoi échoue-t-elle parfois ?

 

Comment avez-vous découvert l’agilité ? Qu’est-ce qui vous a particulièrement fasciné et vous a finalement mené à en faire votre thème de prédilection professionnel ?

Ralph Jocham : En 1997, après mes études en informatique, j’ai commencé à travailler en tant que développeur logiciel et j’ai découvert dans la foulée que même si j’interprétais correctement les exigences du projet et que j’arrivais à les concrétiser adéquatement au niveau technique, c’était loin d’assurer que le client allait être satisfait. J’ai compris alors que la façon de procéder jouait un rôle considérable. Je suis passé par les méthodes de processus unifié avant de tomber dans l’agilité en 2000. Tout d’abord par le biais de l’« extreme programming », puis, en 2001/2002, j’ai ajouté Scrum à ma palette de méthodes et je me suis fixé depuis lors l’agilité comme objectif ; dans un premier temps au niveau technique, puis au sein de l’équipe de travail et aujourd’hui avant tout dans le coaching au niveau de l’entreprise. Ma spécialité est le thème du « Product Ownership » sur lequel j’ai d’ailleurs écrit un livre.

Marc Kaufmann : En tant que médiamaticien de formation, je possédais déjà un background technique. Je me suis penché sur l’agilité la première fois après avoir péniblement constaté que la gestion de projet classique – ces grands programmes monstrueux par étapes – ne fonctionnait pas. Je travaillais à l’époque pour une grande entreprise de télécommunication allemande et, en partant du constat que quelque chose devait changer, nous avons cherché des solutions avec mon équipe et sommes tombés sur Scrum, que nous avons alors mis en pratique. Il ne s’agissait alors pas encore du véritable Scrum, mais ça nous a tout de même vraiment aidés et ça m’a alors tellement fasciné que je me suis tourné vers le monde de l’agile – il y a plus de 13 ans maintenant. Dans les premiers temps dans le contexte d’un emploi fixe, puis en tant que cadre et, à présent, en tant que Professional Scrum Trainer indépendant et Professional Certified Coach de l’International Coaching Federation (ICF). Pour moi, outre la formation à Scrum et l’application de Scrum, c’est le facteur humain qui est primordial, parce que ce sont les êtres humains qui font le travail. Peu importe le framework qu’on utilise ; c’est le contact avec les autres êtres humains, la coopération, qui est finalement ce qui fait le succès d’un projet.

Uta Kapp : Après de nombreuses années à travailler dans le développement logiciel chez Bosch, j’ai découvert, dans les années 90, les premières méthodes agiles en côtoyant la scène du jeu vidéo – ces méthodes avaient alors d’autres noms et chaque entreprise en avait des différentes. Dans ce même contexte, j’ai donné des cours sur Java et le développement logiciel orienté objet et suis venue relativement rapidement à la conclusion que la technologie n’était ni le problème ni la solution, mais que c’était plutôt au niveau de la collaboration que ça coinçait. C’est comme ça que j’en suis venue à la méthode agile, puis à Scrum, pour y rester, car selon moi, Scrum adresse et résout parfaitement les problèmes de collaboration.

Markus Wissekal : Ma première étape professionnelle dans le domaine de l’agilité a commencé avec Scrum dans une organisation gouvernementale à Vienne. Là-bas, j’ai évolué d’ingénieur logiciel à la gestion de projet et formé une équipe Scrum de type incubateur en tant que Scrum Master au sein de l’entreprise. En 2011, j’ai rejoint l’entreprise leader du marché suisse de l’époque dans le domaine des voyages en ligne où j’ai pu concrétiser de nombreux concepts Scrum avec mon équipe d’e-commerce. J’ai cependant remarqué un peu plus tard que les spécifications de Scrum étaient en partie trop extrêmes dans de nombreux autres domaines de l’industrie où les structures d’entreprises n’étaient pas encore prêtes à procéder à la transition. C’est en cherchant une méthode plus évolutive que je me suis pris de passion pour Kanban. En 2015, je suis devenu le premier formateur de la méthode Kanban de Suisse, et diffuse aujourd’hui avec mon entreprise le message qu’il est aussi possible de vivre le changement en petites étapes.

Marco Tommasone : J’ai également suivi le parcours professionnel typique de l’époque : développeur logiciel, architecte logiciel, chef d’équipe, chef de projet. Lors de mes derniers postes fixes, nous développions encore des logiciels en suivant la méthode de gestion en cascade et éprouvions continuellement énormément de difficultés à réagir aux changements du marché ou aux désirs des clients, ce qui nous a poussés à emprunter certains principes à Scrum. Et c’est parce que j’ai vu beaucoup de potentiel en Scrum et dans l’agilité en général que je me suis de plus en plus intéressé à Scrum et que j’ai tenté d’introduire des idées similaires dans l’entreprise, tout d’abord en tant qu’employé, puis en tant qu’indépendant. Je suis arrivé en Suisse en 2015 et j’ai alors fondé avec des collègues une entreprise axée sur l’agilité. Dans le groupe, nous sommes également des formateurs officiels SAFe, mais si on me demande où se trouve mon allégeance, je réponds Scrum sans hésiter, mais j’ai aussi appris à connaître et à aimer Kanban. Fondamentalement, je pense que c’est beaucoup plus important de placer l’agilité au premier plan et de demander au client : quels sont les défis ? Et quelles pourraient être les réponses potentielles à la situation actuelle ? En effet, les réponses difficiles à entendre ne sont parfois pas d’une grande aide pour le client dans cette situation.

 

Comment définiriez-vous l’agilité en une seule phrase ?

Ralph Jocham : L’agilité, c’est enterrer l’entêtement excessif dans un mauvais état d’esprit.

Le mauvais état d’esprit, qu’est-ce que c’est ?

Ralph Jocham : C’est se dire « ça marchera un jour, et même si ça n’a jamais marché auparavant, je dois seulement réussir à le faire correctement une fois. » En réalité, mais si ça fait plusieurs fois que ça ne marche pas, je ne devrais pas douter du résultat final, mais bien de ma manière de penser et d’agir.

Marc Kaufmann : Pour moi, l’agilité, en fin de compte, c’est concéder que le futur est imprévisible même si la planification est de très bonne qualité.

Markus Wissekal : Je suis d’accord avec ces deux définitions. Pour moi, l’agilité, c’est aussi comprendre que je dois continuer à avancer et que, pour cela, j’ai besoin de feedback pour progresser dans cette direction et pour pouvoir vérifier si ce que j’entreprends est juste.

Uta Kapp : Et quand c’est comme ça, je dois avoir le courage d’essayer des choses. Ce qui impose également un changement de la culture d’entreprise. Une certaine tolérance face aux erreurs est nécessaire, parce que toute expérience peut aussi parfois s’avérer être un échec.

 

Est-ce qu’on peut donc ainsi résumer que l’agilité est un état d’esprit ?

Marc Kaufmann : Oui, parce que ça demande une certaine attitude intérieure ou un certain « Mindset » pour toujours aborder les projets en petites étapes, pour essayer ou réinventer des choses avec une culture tolérante aux erreurs, pour mesurer sans cesse les petites étapes et pour les comparer avec l’objectif. Est-ce qu’avec ça, je me rapproche de mon objectif ? Est-ce que je suis sur la bonne piste ? Si c’est le cas, bravo ! Sinon, je dois ajuster quelque chose. Pour gérer l’inconnu, j’ai besoin d’une attitude fondamentale curieuse, ouverte et courageuse, comme Uta l’a expliqué.

Marco Tommasone : Si on s’inspire du manifeste Agile, j’aime beaucoup l’idée de voir l’agilité comme un état d’esprit. Parce qu’on n’y trouve pas de solutions toutes faites. On n’y parle pas de Scrum, ni de Kanban, ni même de SAFe, LeSS et j’en passe.

 

Lisez la suite de la discussion ici : nos experts y expliquent les processus d’adoption de l’agilité au sein des entreprises.

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Auteur / Autrice

Digicomp