UI… « ouille » ou « pfiou » ? Quand l’interface utilisateur joue contre nous
Tout ce qui est techniquement possible n’est pas forcément convivial. Notre expert du web nous montre trois fonctionnalités d’interface utilisateur qui méritent d’être utilisées de manière plus réfléchie.
Si mes connaissances de la langue de Molière m’ont tout juste suffi à passer l’examen de maturité, il y a bien quelque chose que je suis fier de maîtriser depuis mon adolescence : la signification de l’expression « l’art pour l’art ». Vouloir l’art parce que c’est de l’art même si celui-ci est totalement dépourvu d’utilité.
Le terme « autotélique » d’origine grecque résume bien en un mot cette expression : « Qui peut déterminer par lui-même le but de ses actions »
Dans cet article de blog, je voudrais mettre cette expression en relation avec ce qui fait de bonnes – et de moins bonnes – interfaces utilisateur.
Certains développeurs intègrent en effet des éléments d’interface utilisateur dans leurs applications parce que cet élément d’interface leur fait simplement envie. Mais voilà, ce type d’approche n’a pas vraiment de sens. C’est ce que je vais vous montrer dans cet article, agrémenté de quelques bons mauvais exemples de réflexions.
Le problème : comment définir ce qui est « bien » ?
Afin de ne pas trop m’égarer dans un discours philosophique, je vais la faire courte : la compréhension de « bien » dépend seulement et uniquement de comment « bien » est défini. Ça peut sembler un peu idiot, mais c’est bien comme ça que ça fonctionne.
Prenons un exemple : si vous voulez acheter une « bonne » voiture, vous êtes la seule personne qui peut définir exactement ce que vous entendez par « bonne » ! Est-ce qu’une « bonne » voiture est pour vous une voiture qui ne consomme pas beaucoup ou qui a beaucoup de places assises ? Est-elle plutôt une voiture à essence, diesel ou électrique ? Si vous avez beaucoup de marchandise lourde à transporter, un pick-up est la « bonne » voiture. Si vous voulez plutôt trouver facilement une place de parking en ville, alors le pick-up n’est pas la « bonne » voiture.
Bon, mais alors, qu’est-ce qui est « bien » ? Est-ce que c’est ce qui est utile ? Est-ce que ce qui est « bien » est aussi éthiquement « juste » ?
On ne trouve la réponse à ces questions que si nous connaissons nos objectifs ! Posez-vous donc toujours la question :
« Quel est l’objectif que nous voulons atteindre (avec notre site web) ? »
Votre objectif est-il de montrer que vous êtes capable d’intégrer les gadgets les plus incroyables possibles sur votre site web ? Dans ce cas, vous pouvez certainement vous arrêter de lire ici. Mais si votre objectif est plutôt de gagner des clients ou de générer un chiffre d’affaires, ce qui suit va probablement vous intéresser.
Une solution : l’utilisabilité (la facilité d’utilisation et l’utilité) (aka Usability)
Quand une interface utilisateur peut-elle être considérée comme bonne ?
C’est à cette question que les adeptes du « User Centered Design » – en français « conception centrée sur l’utilisateur » – se sont dévoués corps et âme. Selon Wikipédia, il s’agit ici d’une démarche de conception « où les besoins, attentes et caractéristiques propres des utilisateurs finaux sont pris en compte à chaque étape du processus de développement d’un produit ».
Et de nouveau, ce sont les objectifs – cette fois ceux des utilisateurs – qui définissent ce qui est « bien » ! D’expérience, je sais que les développeurs ont tendance à « savoir » exactement ce qui est bon pour les utilisateurs. Malheureusement, ils font souvent fausse route.
Cours : Introduction à l’Usability et User Experience (UX) |
Mon objectif est le même que le tien !?
Sur cette page web, vous trouverez un de mes exemples préférés qui illustre à quel point l’objectif d’un créateur peut différer de celui d’un utilisateur.
Il s’agit (fort heureusement) seulement d’une expérience.
Elle montre cependant extraordinairement bien ce qui peut se passer lorsque la personne qui pense le design perd de vue les utilisateurs et que la création et le développement deviennent une fin en soi (« l’art pour l’art », vous l’avez ?).
Imaginez plutôt que votre client ou votre utilisateur vous paie CHF 0.10 chaque fois qu’il arrive à régler le volume audio correctement. Vous lui faciliteriez la tâche autant que possible, non ?
Les erreurs de raisonnement suivantes montrent que tous les designers de site web ne pensent pas comme ça.
Voici trois exemples d’interface utilisateur mal conçue :
Idée reçue n°1 : Les carrousels, c’est génial
Aujourd’hui, il n’existe pratiquement pas de site web important qui se respecte qui n’a pas un carrousel d’images. Cette merveille visuelle connaît probablement autant de popularité parmi les designers parce que nous aimons volontiers nous souvenir des fabuleux tours de carrousel que nous faisions dans notre tendre enfance.
Il est en effet prouvé qu’ils n’ont aucune utilité réelle pour gagner des clients ou générer du chiffre d’affaires !
Vous voulez savoir pourquoi ? Découvrez l’explication humoristique ici.
Vous voulez une explication plus directe : découvrez les chiffres ici.
Pour que ce soit bien clair : si vous voulez simplement divertir vos utilisateurs, rien ne s’oppose à l’utilisation d’un beau diaporama animé.
Idée reçue n°2 : Plus il y en a, mieux c’est
Je me souviens encore lorsqu’à l’aube du millénaire j’avais particulièrement à cœur d’expliquer à mes élèves en web design de ne pas enregistrer des images de plus de 15KB parce que sinon les utilisateurs allaient devoir attendre trop longtemps pour que le site web charge. À l’époque, j’avais pris comme référence une tolérance de 20 à 30 secondes d’attente de chargement.
Cette tolérance s’est depuis drastiquement réduite grâce notamment aux connexions internet à haut débit.
Si vous voulez savoir exactement ce que le temps de chargement a comme effet sur les visiteurs de votre site web, je vous conseille de consulter cette page.
20 à 30 secondes au tournant du millénaire, c’est 10 fois plus lent que ce qu’on conseille aujourd’hui. Plus les visiteurs doivent attendre, plus la possibilité qu’ils aillent voir ailleurs est élevée.
Ainsi (citation tirée de la page référencée plus haut) : « No matter what, faster is better and less is more ». Simplement : plus vite, c’est mieux, et moins, c’est plus !
La phrase « Le temps, c’est de l’argent » est ici très appropriée. En voici le résumé en image :
Idée reçue n°3 : les pop-ups incitent les visiteurs à rester
Peut-être que la situation suivante vous est familière : vous atterrissez sur un site web et dès que vous voulez fermer l’onglet de navigation ou la fenêtre, un pop-up surgit sur votre écran et vous implore de rester sur le site tout en bénéficiant d’un rabais de 10% ou de profiter d’un e-book gratuit ?
L’idée de base est plutôt bonne. Mais dans son application (bien trop) souvent non aboutie.
Des personnes tout à fait sensées ont en effet testé la chose et démontré une fois pour toutes et proprement qu’il vaut la peine de mesurer le temps qu’un visiteur a déjà passé sur un site et quel a été son comportement de scroll et de click avant de lui présenter (juste comme ça) un pop-up. À partir de ces mesures de temps et de scrolling, il est possible de calculer quel type de message « Hé, reste un peu ! » vaut le plus la peine d’être affiché.
Un exemple absolument remarquable qu’un élément d’interface utilisateur ne génère pas à lui seul une conversion !
Conclusion
Pour conclure, il convient (tout de même) de noter : en principe, il n’y a rien à redire aux trois éléments de l’interface utilisateur mentionnés ci-dessus.
- Un carrousel peut, à un endroit précis de l’écran, afficher plusieurs textes et/ou images les uns après les autres. Cela peut être très utile si l’utilisateur est prêt à attendre pour avoir ces infos ou s’il apprécie cliquer pour passer au texte ou à l’image suivante.
- De nombreux éléments tels que des images en haute définition, des vidéos et des gadgets lourds à charger sont sympas à regarder et, tant qu’on ne va pas à l’encontre du concept « above the fold » et qu’on garde la main sur le temps de chargement, ces éléments sont plutôt les bienvenus.
- Les pop-ups et modals sont indiquées pour inciter les visiteurs indécis à rester. Mais si elles sont utilisées sans réfléchir, cela peut avoir l’effet inverse.
Cours : Préparation à Certified Professional for Usability and User Experience – Foundation Level