Aligner l’architecture opérationnelle et l’architecture technologique #5

La mission principale de l’architecture d’entreprise est de rendre possible la transformation digitale d’une entreprise. Découvrez dans cette série d’articles de Markus Schacher comment coordonner l’architecture opérationnelle et technologique.

Auteur / Autrice Markus Schacher
Date 10.02.2022
Temps de lecture 12 Minutes

Cet article fait partie de notre série sur le thème de l’architecture numérique d’entreprise. Les articles de la série publiés jusqu’à maintenant sont les suivants :

Dans la partie précédente, nous avons abordé la quatrième étape de la numérisation d’une entreprise : la numérisation de la collaboration. Dans cette dernière partie sur l’alignement de l’architecture opérationnelle et l’architecture technologique dans le cadre de la transition numérique d’une entreprise, j’aborderai la dernière étape de la transition numérique : la transformation des opérations.

5. Transformation des opérations

Une fois que toutes les informations pertinentes sont numérisées, que toutes les tâches automatisables sont automatisées, que les objets appropriés sont enrichis cognitivement et qu’une plateforme commune pour les informations et la collaboration est créée, il est alors possible d’entamer la transformation numérique de l’activité principale.

Ce sont d’un côté les chaînes de production de valeur et d’un autre côté les cycles de vie de produits qui posent les bases de cette étape. Ces deux concepts sont des séquences temporelles qui se croisent à 90° :

Image : KnowGravity

Normalement, le plus grand chiffre d’affaires d’un produit est généré alors que ce dernier se trouve dans sa « phase d’utilisation ». C’est également là qu’il est le plus facile de localiser une chaîne de valeur classique selon de principe PCUP (voir étape 2 ). Mais ce n’est pas systématiquement le cas : l’élimination, la production et le développement permettent également de créer de la valeur ! Ainsi apparaît une matrice complète de tâches, générant de la valeur et réalisées soit en interne, soit par des clients, des fournisseurs, des partenaires ou d’autres entités associées.

Par rapport aux opérations courantes d’aujourd’hui, on peut se poser les questions suivantes concernant le transfert actuel de responsabilités :

  • Quelles tâches pourront, dans le futur, être externalisées (Outsourcing) ? Par exemple …
    • Les tâches qui sont coûteuses et que le client peut aussi bien effectuer lui-même grâce à des technologies appropriées (mot-clé : « self-service »)
    • Les tâches qui ne font pas absolument partie des compétences centrales de l’entreprise et qui devraient être laissées à des partenaires ou des fournisseurs
  • Quelles tâches pourront, dans le futur, être internalisées (Insourcing) ? Par exemple …
    • Les tâches que les clients ont assumées eux-mêmes « faute de mieux » et qui devraient faire partie de l’activité principale de l’entreprise (p. ex. l’exploitation opérationnelle d’une infrastructure)
    • Les tâches à fort taux de rentabilité qui ont été jusqu’à présent assumées par un fournisseur et qui pourraient être aussi bien assumées en interne grâce à une intégration poussée (mot-clé : « extension verticale de sa propre gamme de production »)
  • L’outsourcing permet de libérer des capacités (Capabilities) alors que l’insourcing permet d’en créer de nouvelles. Si ces nouvelles capacités sont combinées avec celles qui sont existantes et que des conclusions tirées des données opérationnelles gagnées peuvent être utilisées, alors la création de nouvelles offres est possible.

Ce transfert de responsabilités vers l’externe et l’interne permet d’optimiser substantiellement ses propres activités principales par l’utilisation cohérente des technologies de numérisation et de les élargir à de tout nouveaux secteurs d’activité.

Les technologies

À l’inverse des 4 premières étapes introduites précédemment (#1, #2, #3, #4), cette 5e étape ne concerne plus la technologie elle-même, mais l’intégration de ses avantages pour la prise de décisions commerciales stratégiques. On utilise ici l’approche méthodologique du modèle « Business Motivation Model » (BMM), que j’ai d’ailleurs introduit dans la 4e partie de cette série d’articles. Il s’agit ici de définir des objectifs pour ce transfert de responsabilité, d’identifier les facteurs influents et de développer des stratégies sur la façon de les mettre en pratique.

Les technologies les plus efficaces à mentionner ici sont les outils de modélisation qui prennent en charge la création et l’évaluation de modèles stratégiques et qui permettent ainsi la comparaison de différentes variantes d’une solution et même de simuler différents scénarios. C’est en quoi consistera à l’avenir l’une des tâches principales de l’Enterprise Architecture Management (EAM).

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Exemple d’EU-Rent

En ce qui concerne les opérations d’EU-Rent, on peut par exemple effectuer les transferts de responsabilité suivants :

Possibilités d’outsourcing :

  • La « commande » de services, c’est-à-dire la réservation de véhicules de location jusqu’à la conclusion de contrats, peut être complètement effectuée par le client par le biais d’un processus de « self-service ».
  • En combinaison avec la tâche de « paiement », la tâche « commande » peut être encore davantage simplifiée en introduisant des abonnements qui, d’une part, facilitent la formulation des besoins récurrents d’un client et, d’autre part, assurent à EU-Rent un flux plus régulier de rentrées d’argent.

Possibilités d’insourcing :

  • En raison des connaissances approfondies de l’état des véhicules et des différentes utilisations des véhicules par les clients ainsi que sa base de clients conséquente, EU-Rent est en mesure d’endosser l’assurance des véhicules loués.
  • La nouvelle offre d’abonnement permet de louer des véhicules pour une durée beaucoup plus longue que celle des courts trajets proposés jusqu’à maintenant. Par exemple, il est possible de proposer des contrats de location pour « tous les jours ouvrés », « tous les weekends », « toute la saison hivernale » ou encore des combinaisons et des variantes répondant aux besoins du client. Ainsi, la totalité des opérations allant de l’entretien et la maintenance d’un véhicule de location à la mise à disposition de véhicules de remplacement intègrent également le domaine d’activités d’EU-Rent.

Nouveaux secteurs d’activité

  • La flexibilisation de l’offre basée sur les abonnements, les conclusions qui en sont tirées sur l’utilisation des véhicules et l’insourcing de l’assurance et de la maintenance des véhicules permettent à EU-Rent de proposer aux petites et moyennes communes un « forfait mobilité » regroupant un ensemble de service.

Conclusion

La transformation numérique d’une entreprise peut, selon moi, se dérouler en cinq étapes. Les 4 premières étapes peuvent se dérouler dans n’importe quel ordre et même en parallèle. Elles augmentent l’efficience d’un commerce existant grâce à la mise en œuvre optimale de technologies de numérisation tout en permettant également l’analyse systématique de données opérationnelles. Dans ce contexte, l’alignement opérations/technologies se déroule selon le framework MDEE, de haut en bas : l’utilisation de technologies dépend des besoins opérationnels.

La cinquième étape concerne la transformation de l’activité principale de l’entreprise en se basant sur les résultats et conclusions tirées des quatre premières étapes. L’alignement opérations/technologies se déroule alors dans le sens inverse : l’utilisation globale de technologies permet, d’une part, d’éliminer des secteurs opérationnels non rentables et, d’autre part, de s’ouvrir sur de nouveaux secteurs d’activité.

Rendre possible cette évolution ou même donner son impulsion à une entreprise est la tâche principale d’une architecture numérique d’entreprise. De plus, l’architecture opérationnelle et l’architecture technologique doivent être coordonnées et développées de concert.

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Auteur / Autrice

Markus Schacher

Markus Schacher est co-fondateur et KnowBody de KnowGravity Inc., une entreprise de consulting dont le siège se trouve à Zurich (Suisse), spécialisée dans l’ingénierie basée sur les modèles. En tant que formateur depuis 1997, Markus a donné les premiers cours publics UML de Suisse et en tant que consultant, il assiste de nombreux gros projets dans l’introduction de techniques basées sur les modèles et leur utilisation pratique. Depuis 2005, il vient en aide d’entreprises dans le domaine de l’architecture d’entreprise globale ainsi que de l’harmonisation informatique/business. En coopération avec Digicomp et l’HWZ, il forme des architectes en formation CAS « IT Architecture ».