Aligner l’architecture opérationnelle et l’architecture technologique #2

La mission principale de l’architecture d’entreprise est de rendre possible la transformation digitale d’une entreprise. Découvrez dans cette série d’articles de Markus Schacher comment coordonner l’architecture opérationnelle et technologique.

Auteur Markus Schacher
Date 19.01.2022
Temps de lecture 14 Minutes

Cet article fait partie de notre série sur le thème de l’architecture numérique d’entreprise. Les articles de la série publiés jusqu’à maintenant sont les suivants :

Dans la partie précédente, nous avons introduit les étapes de la numérisation d’une entreprise et analysé en détail la première étape qui est la numérisation des informations. Dans cet article, j’aborderai la deuxième étape de la numérisation d’une entreprise, c’est-à-dire la numérisation des tâches.

2. Numérisation des tâches

Pour chaque opération, plusieurs parties prenantes internes ou externes à l’entreprise doivent assumer différentes tâches. Ces tâches peuvent être décrites sous la forme de processus opérationnels et font partie de l’architecture opérationnelle d’une entreprise (pour plus d’informations à ce sujet, consultez la 3e partie de cette série d’articles. Une technique simple d’automatisation systématique des processus opérationnels est la « classification ASM » des tâches. Elle permet de regrouper chaque tâche (le plus souvent des étapes de processus opérationnels) dans les catégories suivantes :

  • (A)utomatisable: on classifie d’un « A » les tâches qui sont en principe totalement automatisable à l’aide de technologies appropriées, c’est-à-dire les tâches qui sont potentiellement exécutables sans impliquer d’êtres humains. Par exemple, les machines entièrement automatiques ou des systèmes de logiciels qui sont capables d’exécuter une tâche qui leur est déléguée en toute autonomie sans autre opération de la part d’un être humain.
  • (S)implifiable: on classifie d’un « S » les tâches qui doivent certes être exécutées par des êtres humains, mais qui peuvent être (largement) simplifiées par l’utilisation de technologies appropriées. Par exemple, les machines manipulées par des êtres humains (machines de production ou de construction, véhicules, etc.) ou les systèmes d’information classiques qui mettent à disposition de leurs utilisateurs des informations appropriées, mais qui laissent le pouvoir décisionnel à l’être humain.
  • (M)anuel: on classifie d’un « M » les tâches qui ne peuvent pas être prises en charge convenablement par les technologies et doivent continuer à être exécutées complètement par des êtres humains. Par exemple, les contacts sociaux, mais aussi les tâches qui sont en théorie simplifiables ou automatisables grâce à la technologie, mais pour lesquelles l’utilisation de technologies nécessiterait alors un effort disproportionné par rapport au bénéfice attendu.

Il est important ici de procéder à cette classification en suivant exactement cet ordre-là : pour chaque tâche, on commence par chercher de manière « agressive » les moyens qui pourraient lui permettre d’être réalisée sans intervention humaine (classification « A »). Ensuite, et seulement si on ne trouve vraiment aucune possibilité sensée d’automatisation totale, on cherche des possibilités technologiques pour soutenir l’exécution de cette tâche (classification « S »). Enfin, si on ne trouve pas non plus de solutions de simplification par la technologie sensées ou applicables, alors on attribue à la tâche la classification « M ». C’est en particulier dans les ateliers d’exercices que l’application de cette approche libère très souvent un énorme potentiel créatif ! Cependant, il convient toutefois de noter que certaines tâches nécessitent parfois une rétrogradation dans la classification (« Downgrade ») pour des raisons psychologiques ou éthiques, par exemple, de « A » à « S » (pilote d’un vol commercial) ou de « S » à « M » (La Main Tendue).

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Les technologies

Comme précédemment introduites dans la 4e partie de cette série, les technologies pour l’automatisation ou le soutien de tâches peuvent être groupées en deux catégories principales :

  • Les technologies physiques, c’est-à-dire qui traitent et façonnent des matériaux
    On compte parmi celles-ci les moyens de transport, les installations, les machines et les appareils qui sont utilisés dans la production de marchandises ou pour la prestation de services.
  • Les technologies virtuelles, c’est-à-dire qui traitent et créent de l’information
    On compte parmi celles-ci les ordinateurs, le matériel de communication et de réseau ainsi que les technologies logicielles qui sont utilisées dans la prestation de performances cognitives.

Si ces technologies présentent un degré d’autonomie substantiel, elles peuvent alors être qualifiées de « technologies robot » (un robot étant « un équipement technique généralement utilisé pour soulager une personne de travaux mécaniques récurrents » (1)). Je voudrais ci-après me limiter aux technologies virtuelles qui sont particulièrement importantes dans le cadre de la numérisation (de plus, ces technologies sont également principalement utilisées dans les technologies physiques pour leur contrôle).

Une des technologies virtuelles qui connaît actuellement un boom particulier est la « Robotic Process Automation » (RPA ou automatisation robotisée des processus). Il s’agit de systèmes logiciels qui automatisent les étapes de travail par apprentissage du comportement d’un utilisateur sur une interface graphique existante. Un tel « Bot RPA » peut par exemple suivre, minute par minute, le cours d’une action à partir du site web d’une bourse et transférer ces données dans un système propre ou lire des informations de paiement à partir d’une facture scannée et transférer ces données dans un système de comptabilité propre – une sorte de copié/collé intelligent qui dépasse les limites d’une application.

Une autre catégorie de technologies virtuelle est celle des technologies cognitives, qui sont utilisées pour une prise de décision indépendante. Les systèmes basés sur les règles font par exemple partie de cette catégorie. Ils utilisent un jeu de règles défini pour une situation donnée afin de provoquer une action consécutive appropriée. Un exemple classique d’un tel système basé sur les règles est le marché boursier automatique, qui reprend des contrats de vente et d’achat selon les mouvements du cours de la bourse. Un autre exemple de technologie cognitive est les réseaux neuronaux, qui, après une phase d’entraînement, peuvent évaluer des situations précises, entreprendre une classification de la situation qui en découle et provoquer une action consécutive appropriée, le tout en parfaite autonomie.

Les systèmes qui prennent des décisions de manière autonome sont capables d’exécuter automatiquement certaines tâches opérationnelles, c’est-à-dire qu’elles peuvent assumer des tâches classées « A ». C’est pourquoi ils sont presque systématiquement considérés comme des systèmes autonomes. En lien avec les véhicules autonomes, la « Society of Automotive Engineers » (SAE) publiait en 2014 déjà une classification remarquée de l’autonomie des véhicules en 6 niveaux (voir référence 2). Cette classification spécifiquement développée pour les véhicules peut être généralisée à tous les processus automatisés grâce à des technologies physiques ou virtuelles (et même étendue à un 7e niveau) :

Image : KnowGravity

Ce qui est important de noter dans cette classification, c’est qu’entre le niveau 2 et 3, on observe non seulement un changement de couleur, mais également un changement de technologie. Dès le 3e niveau, on parle de « processus autonomes », c’est-à-dire que la responsabilité de l’exécution correcte des processus est transférée de l’être humain à la technologie. Des conséquences légales considérables y sont liées : en cas de défaillance, ce n’est plus l’utilisateur de la technologie qui est en tort, mais la technologie elle-même – ou plutôt son développeur.

Un système numérique qui analyse et évalue des situations de manière autonome puis prend des décisions sur la base de ces analyses et évaluations pour éventuellement prendre des mesures peut également être qualifié d’« agent numérique ». Vous retrouverez dans la référence 3 le développement d’une architecture générique d’un tel agent numérique, qui est non seulement capable d’apprendre, mais aussi de reconnaitre et de prendre en compte ses propres limites.

Tout sur l’architecture informatique d’entreprise

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  • Digital Enterprise Architecture («DIGIEA»)

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Exemples dans le cadre d’EU-Rent

La chaîne de production de valeur principale de toute entreprise peut être structurée, d’après le principe PCUP (ndt : en allemand, il s’agit du principe des 4 B : Bewerbung, Bestellung, Benutzung, Bezahlung), en ces quatre tâches principales suivantes :

  • Publicité: Promotion de l’offre du fournisseur auprès de clients potentiels
  • Commande: Formulation et accord sur le besoin du client dans le but de conclure un contrat
  • Utilisation: Prestation de services par le fournisseur
  • Paiement: Compensation du fournisseur par les clients pour le service fourni

Ces quatre tâches ne doivent pas obligatoirement être réalisées dans cet ordre-là, mais peuvent aussi se dérouler plus ou moins dans n’importe quel ordre (et même en parallèle). Dans le cas de l’entreprise de location de véhicules EU-Rent, ces tâches peuvent par exemple être décortiquées en sous-tâches, comme illustré dans le tableau suivant, et passées sous une analyse ASM :

Dans la prochaine partie, nous discuterons de la prochaine étape de la numérisation d’une entreprise : la numérisation des objets.

 

À lire également :

Référence :


A propos de l'auteur

Markus Schacher

Markus Schacher est co-fondateur et KnowBody de KnowGravity Inc., une entreprise de consulting dont le siège se trouve à Zurich (Suisse), spécialisée dans l’ingénierie basée sur les modèles. En tant que formateur depuis 1997, Markus a donné les premiers cours publics UML de Suisse et en tant que consultant, il assiste de nombreux gros projets dans l’introduction de techniques basées sur les modèles et leur utilisation pratique. Depuis 2005, il vient en aide d’entreprises dans le domaine de l’architecture d’entreprise globale ainsi que de l’harmonisation informatique/business. En coopération avec Digicomp et l’HWZ, il forme des architectes en formation CAS « IT Architecture ».